Les coupeurs de feu, magnétiseurs… Grâce à leurs mains, ils soulagent les patients. Pourtant leurs pratiques restent un mystère pour la science.
L’étrange à la lumière de la science. Cet été, Fabienne Chauvière a choisi de s’intéresser au paranormal, aux théories étranges, aux croyances magiques, aux phénomènes inexpliqués.
En France, des milliers d’hommes et de femmes disent exercer un don qui soulage les brûlures ou les douleurs. On les appelle magnétiseurs, guérisseurs, rebouteux ou coupeurs de feux, et ils ne vivent pas forcément dans une cabane au fond du Berry. On peut les trouver dans les grandes villes ; ils sont par exemple très nombreux en région parisienne.
Radiothérapie, brûlures, zona, démangeaisons, migraines, foulures… On les consulte souvent en cachette, comme si on en avait un peu honte. Pourtant, ces magnétiseurs travaillent parfois en collaboration avec les médecins.
Dans cette émission, une sociologue, un chercheur spécialiste de la pensée critique, et un médecin, membre de l’académie de médecine, dont les propos vous étonneront.
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Comment cela fonctionne-t-il ?
Barrage de feu, homéopathie, acuponcture, magnétisme… Beaucoup de pratiques existent, mais elles ne sont pas toutes à mettre dans le même panier.
Dans le cas du barrage de feu, cela se base bien souvent sur une prière catholique ou protestante. La coupeurs de feu, autrement appelés barreurs de feu, disent avoir un don, dont ils ont hérité ou qu’ils ont développé. Cela permettrait de notamment de guérir les brûlures et d’ôter la douleur causée. Les séances peuvent se passer par téléphone, ou encore par imposition des mains.
Qui sont ceux qui pratiquent ?
Dans le cadre de ses recherches, Richard Monvoisin, enseignant-chercheur en pensée critique, a rencontré plus d’une centaine de coupeurs de feu. Il nous explique leur profil type (même si bien sûr tous ne se ressemblent pas) :
« Ce sont des gens qui sont souvent en reconversion et qui sont très, très contents d’avoir renoué avec le monde thérapeutique, ce qui leur donne souvent une sorte de capital symbolique qui est assez agréable. Et ce sont des gens qui sont sincèrement convaincus de leur capacité ou de leur don. Ce sont des gens foncièrement gentils, pour l’essentiel de ceux que j’ai rencontrés, et qui font ça pour le bien des autres. »
Le plus souvent, ce n’est pas leur métier principal : « En général, ils sont boulangers, avocats, instituteurs… » En ce qui concerne leur localisation, beaucoup sont en Bretagne et dans l’est de la France : « Jura, Franche-Comté, Rhône-Alpes, beaucoup en Suisse aussi. »
Les magnétiseurs sont aussi souvent des coupeurs de feu. Le magnétisme recouvre le barrage de feu, en partie. Fanny Charasse, docteure en sociologie précise : « 90 % d’entre eux ne sont pas devenus magnétiseurs, de père en fils ou de mère en fille, et ne se revendiquent pas d’un don. Ils vont dire justement : ‘Ce n’est pas vraiment un don. Peut-être que je l’avais, mais je l’ai développé, je l’ai travaillé’. Ce qui veut dire que ce n’est pas juste un don inné, naturel, on va dire. Et d’autre part, ils ont un parcours de vie, entre guillemets, tout à fait normal. J’ai rencontré un commandant de police qui est devenu magnétiseur, une avocate qui est devenue magnétiseuse à temps plein. »
Comment ça peut marcher ?
Pour Bruno Falissard, professeur de médecine, cela peut procurer un bienfait psychologique. Le fait de parler, d’être touché peut faire du bien. Cela peut contribuer au bien-être, ne serait-ce que le fait d’être écouté également. Selon lui, ce sont aussi des choses que la médecine traditionnelle n’a parfois plus le temps de faire.
Pour les brûlures, Richard Monvoisin avance une explication de la réussite des coupeurs de feu :
« En général, ce sont des brûlures du premier degré et deuxième degré léger qui sont particulièrement douloureuses et qui sont souvent bénignes. Ce qui fait que c’est ce public-là qui est surreprésenté dans l’appel aux barreurs de feu, puisque ceux qui sont brûlés de manière plus grave sont généralement évacués par le SAMU ou vers les hôpitaux alentours. Et donc, ce sont les gens qui ont des brûlures de premier deuxième degré légers qui appellent. Ensuite, on se rend compte que pour une brûlure du premier degré ou deuxième degré léger, la douleur s’éteint au bout de trois-quarts d’heure, mais cela, quoi que vous fassiez. Avec cela, on recouvre à peu près le phénomène. Pour les traces à long terme, les gens disent : ‘oui, je n’ai plus de traces, donc ça prouve bien que ça fonctionne’. Mais en fait non. Les brûlures de premier degré et deuxième degré léger ne laissent pas de traces. »
Pour les magnétiseurs, il existe des études pour mesurer l’efficacité (mais pas pour les coupeurs de feu). Pour Richard Monvoisin, il n’y a jamais eu aucune démonstration formelle d’une capacité à détecter un fluide. Le chercheur avance alors des explications, quant aux possibles résultats :
« Je pense que tout ce qu’on voit en soins de magnétiseurs, on les prête bien souvent à des guérisons qu’on considère comme évoluant spontanément ou à ce qu’on appelle des régressions à la moyenne, c’est-à-dire que quand on a très mal, pour une maladie chronique, par exemple quand vous avez mal au dos, généralement les gens consultent au moment du pic de douleur. Et puis le mieux-être vient après.Mais ce n’est pas du fait du thérapeute qu’on a rencontré, mais bien de la régression vers la position moyenne, entre le pic de douleur et un état sans douleur. »
Pour Bruno Falissard, on ne met pas assez d’argent sur les études : « Du coup, nos patients vont voir des magnétiseurs qui parfois font du bon boulot, parfois s’en prennent à votre portefeuille ou vous écartent du système de soins habituel. »
Des exemples marquants, saisissants sont narrés, observés dans le cadre d’études des invités. Pour en savoir plus, écoutez l’émission dans son intégralité.
Les invités :
- Fanny Charasse, docteur en sociologie, auteure d’une thèse sur le magnétisme et le chamanisme
- Bruno Falissard, professeur à la faculté de médecine de Paris-Sud, membre de l’académie de médecine, auteur d’un rapport sur la place de l’irrationel en médecine
- Richard Monvoisin, enseignant-chercheur en pensée critique à l’Université Grenoble-Alpes
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